La Banque

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Caractéristiques

Auteur : Marc Roche
Publication : 2010
Editeur : POINTS
ISBN : 978-2757823972
Nombre de pages : 320
Prix : 7,40 euros édition poche


4ème de couverture

« Il y a eu le roman La Firme, il y a maintenant l'enquête, La Banque. Moins rocambolesque, mais presque aussi inquiétante ! » Le Nouvel Observateur

Goldman Sachs, c'est aujourd'hui la banque d'affaires la plus puissante du monde. Sa force ? Un goût obsessionnel du secret. LA Banque tire les ficelles de la finance: OPA brutales, spéculation à outrance et manipulations frauduleuses. L'argent est le nerf d'une guerre secrète, dont Goldman Sachs est le cerveau sans scrupule.

Marc Roche est le correspondant du Soir et du Point à Londres. Il a récemment publié Les Banksters et Le Brexit va réussir.


Préambule

« Je fais le travail de Dieu » : même si il était censé être une blague, ce propos du P-DG de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, résume la fantastique soif de pouvoir mégalomaniaque de LA Banque : la firme qui dirige le monde dans le plus grand secret. Derrière une loi du silence que personne n'avait jamais osé briser depuis sa fondation en 1868, Goldman, ou GS, comme on dit à Wall Street et à la City londonienne - les deus plus grandes places financières mondiales - peut-elle vraiment dominer la planète ? Et si la réponse est « oui » : Pourquoi ? Comment ?

La crise qui a commencé à l'automne 2008 - krach boursier, récession économique - a propulsé Goldman Sachs, jusque-là totalement invisible, à la « une » de l'actualité. Du jour au lendemain, très exactement dans la nuit du 15 au 16 septembre 2008, le public a découvert l'existence de cette institution qui prétend faire le « travail de Dieu ». Traduire : régner sur la finance mondiale. Sur quelques milliards de dollars...

Depuis ce sinistre automne - à jamais présent dans nos mémoires -, Goldman est partout : la faillite de la banque Lehman Brothers, la crise grecque, la chute de l'euro, la résistance de la finance à toute régulation, le financement des déficits et même la marée noire du golfe du Mexique.

Grâce à notre enquête - et au fil des révélations sur les affaires douteuses à laquelle cette prestigieuse maison s'est trouvée mélée -, le voile se lève aussi sur le passé : la spéculation sur les prix du pétrole, la création de monopoles industriels, le recyclage des informations dans le système financier, l'aveuglement des autorités de contrôle ou les liaisons dangereuses avec les raiders.

Car Goldman Sachs avance ses pions sur l'échiquier mondial par le truchement d'un réseau d'influence inégalé, jusque dans les grandes organisations internationales. La maison gère un empire sur lequel le soleil ne se couche jamais.

Obsédée par sa puissance, elle n'a plus d'états d'âme : au mépris de l'éthique la plus élémentaire de la vie des affaires, elle est accusée de trahir ses propres clients - et, par ricochet, vos fonds de placement, chers lecteurs ! Pourtant elle se vante d'avoir des principes, une morale : c'est la bible Goldman, reproduite ici pour que l'information soit complète1.

Il reste que LA Banque joue et gagne : selon ses détracteurs, Goldman ne serait plus désormais qu'un casino spéculatif planétaire, pariant sur tout et n'importe quoi. Mais peut-elle encore faire faillite ?

La saga de Goldman Sachs est, en vérité un thriller financier fascinant et implacable. En tant que journaliste financier, en poste successivement à New York, Bruxelles, Washington et Londres, je n'ai cessé de chercher à comprendre comment fonctionne ce fief de l'argent.

En sillonant la planète pour raconter les grandes affaires économiques de notre époque, j'ai rencontré les principaux acteurs de cette odyssée, de Rupert Murdoch à Henry Paulson, de Lakshmi Mittal à James Goldsmith, de Lord Browne à Robert Maxwell ou Richard Branson. J'ai fréquenté des associés-gérants de Goldman Sachs, de New York à Londres, en passant par Hong Kong et Paris.

Le début de mon deuxième séjour londonien a coïncidé avec le fameux big bang de la City, en 1986, qui a ouvert la porte aux établissements financiers étrangers. J'ai vu comment Goldman Sachs avait pris pied lentement mais sûrement à Londres d'abord, dans toute l'Europe ensuite. Depuis, cette institution unique a participé aux heurs et malheurs de la finance mondiale, aux séismes boursiers comme à l'explosion des produits financiers, à la révolution technologique comme aux bonus mirobolants.

David de Rothschild est vraiment charmant, avec ce sourire qui ne le quitte jamais. Dans le milieu des grands carnassiers de la haute finance, ce patricien moderne offre en prime une gentillesse, une courtoisie et une élégance raffinée naturelles (ah ! la subtile pochette blanche !). Avec sa mine de notable, notre hôte pourrait n'être qu'un très classique banquier ou avocat, une image volontairement low key pour employer cette langue particulière, entre le français et l'anglais, que parlent volontiers les Rothschild. C'est avant tout un fin connaisseur de la scène financière qu'il s'apprête à quitter.

Avant ce dîner en tête à tête, le 28 avril 2010, chez Wilton's, le meilleur restaurant de poisson de Londres, fondé en 1742, le baron de la City m'avait prévenu : « J'évite de parler de nos concurrents, de leurs succès comme de leurs revers. » Aucun nom n'a été prononcé au cours de cette rencontre avec le chef des vénérables enseignes bancaires Rotschild de Londres et de Paris.

Et pourtant, en lisant entre les lignes le résumé de cette conversation à bâtons rompus, tout est dit - ou suggéré - sur les dérives de la haute finance depuis quelques décennies.

« L'enseigne Rothschild a été très active dans les privatisations, mais nous avons peu conseillé les Etats en matière de finances publiques. Ce n'est pas notre principale priorité. » Une pique discrète envoyée à qui de droit.

« Nous nous adressons à des clients privés ou à des entreprises qui recherchent le service dont ils ont besoin dans un souci d'éthique, de compétence et de professionnalisme, poursuit-il. Pour les entreprises, notre plus-value est de permettre à des gens qui veulent faire des choses ensemble de les réaliser. » C'est toute la question des conflits d'intérêts qui traversent les grandes banques d'affaires qui surgit à travers cette formule codée.

« Le trading n'a pas de sens pour une compagnie comme la nôtre. Il faut de très gros fonds propres pour exercer des métiers à risques. » Voilà encore une prise de distance vis-à-vis des établissements qui jouent sur tout et ont pris des risques énormes ces dernières années.

Au cours de l'enquête est finalement venu le moment de se confronter à cette puissance. Quand j'ai prévenu Goldman Sachs de mon projet de livre pour obtenir des rendez-vous avec la direction, la première réponse a été plutôt positive : « On vous facilitera la tâche... » Après des semaines de silence, la sentence est finalement tombée, d'une courtoisie sans appel : « Désolé, il n'est plus question de vous aider. » Fin de non-recevoir et salutations distinguées. LA Banque est donc la première biographie non-recevoir autorisée jamais publiée sur Goldman Sachs. A l'exception de trois rencontres de dernière minute avec des dirigeants français de Goldman Sachs, les hauts responsables à New York, le coeur de la firme à Londres, où est installé l'essentiel du négoce, garderont bouche cousue. La centaine de questions adressées au P-DG, Lloyd Blankfein, sont restées sans réponse. La forteresse s'est fermée comme une huître. Ni lettres d'avocats ni appels de conseillers en communication. Juste le silence, recroquevillé sur la dignité (ou ce qu'il en reste, c'est selon). Un silence lourd de sens alors que l'heure est grave pour la grande muette de la finance.

Le problème pour la banque d'affaires est qu'elle est obligée de se dévoiler. Les anciens associés-gérants, les ex-cadres, les concurrents, les clients ou les politiques parlent aujourd'hui, après avoir été tenus toutes ces années par une omerta d'airain.

L'idée de ce livre a bien sûr germé dans la foulée de la crise financière de l'automne 2008, mais le projet est aussi étroitement lié à-vis mon passé professionnel. Entre 1978 et 1980, j'ai travaillé comme journaliste à Reuters à Londres. Le siège de cette prestigieuse agence de presse, sur Fleet Street, faisait face aux rédactions du Daily Telegraph et du Daily Express. Depuis mon poste de travail au world desk, je pouvais admirer ces deux merveilleux bâtiments art-déco immortalisés dans la bande dessinée Blake et Mortimer. Je passais quotidiennement devant ces édifices pour gagner mon pub favori, point d'ancrage des journalistes de la « rue de l'encre ».

Goldman Sachs International, la branche européenne occupe aujourd'hui ces deux bâtisses historiques. Alentour, à l'heure du déjeuner, on y croise plus que des hommes à costume bien coupé faisant la queue devant les infâmes bars à sandwichs, ou traînant une valise à roulettes, le pas conquérant mais l'air de se réveiller d'une nuit trop courte. Les trognes rubicondes et dilatées à en faire pêter les cols des reporters prenant le temps de vivre et de boire ont disparu. Il n'est plus question de flâner à Fleet Street, de s'arrêter ici et là dans ce « village » de petits commerces. Il faut courir. Dans cette nouvelle Mecque du pouvoir et de l'argent, on côtoie financiers de haut vol et avocats d'affaires, capitaines d'industrie et livreurs, secrétaires et pythies de Footsie, l'indice synthétique des valeurs boursières de Londres. Au travers d'une enseigne qui domine la planète, Goldman Sachs, on voir défiler en filigrane une existence de salons d'aéroports, de suites présidentielles dans des palaces, de jets privés, de limousines aux vitres teintées, de cartes de crédit Gold et de paradis fiscaux sous les cocotiers.

Un autre souvenir me ramène à une interview que m'avait accordée Henry Paulson en 1994, à New York. J'avais sympathisé avec Ed Novotny, le consultant chargé de la communication de GS, un ancien champion du fait divers fort en gueule, engagé pour faire parler le moins possible de la « boîte ». J'avais tant insisté que l'entremetteur m'avait décroché un rendez-vous avec Paulson, numéro deux de Goldman à l'époque : un vendredi à 17 heures, au 85 Broad Street, le siège de LA Banque. J'y étais resté deux heures, dans la cage vitrée qui servait de bureau à Paulson, devisant avec lui de l'état du monde et accessoirement de sa société. Le futur secrétaire au Trésor du Président Bush m'avait ensuite invité à rejoindre un groupe d'associés pour l'apéritif de fin de semaine. Les langues s'étaient déliées. On avait beaucoup ri, se promettant de se revoir à Londres. J'ai gardé un excellent souvenir de cette soirée improvisée - impensable de nos jours -, en raison de l'hostilité entre décideurs et médias. Autres temps, autres moeurs. Une fois publiés ses Mémoires, Paulson passe sa retraite à observer les oiseaux, sa passion. Ed est mort. Et les autres invités au raout ont disparu dans les oubliettes de l'histoire financière.

Avant de me lancer dans la rédation de mon livre La Dernière Reine, consacré à Elizabeth II, un membre de l'état-major de Buckingham Palace m'avait prévenu de la difficulté de la tâche en citant un conseiller du roi George V avertissant l'auteur d'une biographie autorisée du souverain britannique (au début du XXème siècle) : « Vous n'avez pas été convié à écrire sur un homme, mais sur un mythe. » A l'inverse du palais qui m'avait ouvert grand ses portes, Goldman Sachs fait tout pour décourager ce type d'entreprise. La règle du « Circulez, il n'y a rien à voir » a fait ses preuves jusqu'à la crise de 2008. Les médias s'intéressaient peu à ces maîtres du monde pour une simple raison, comme on dit familièrement : ceux qui savaient ne parlaient pas et ceux qui parlaient ne savaient pas. L'opinion ignorait jusqu'à l'existence de la firme. Même le rayon « Economie » des librairies était vide, rien sur la question, à l'exception de deux hagiographies officielles de l'entreprise, jamais traduites en français et qui auraient pu être écrites par son service de communication.

Aujourd'hui, les ouvrages traitant de la crise financière abondent dans toutes les langues. Mais les livres publiés aux Etats-Unis et au Royaume-Uni souffrent du tropisme anglo-saxon. Le volet international est totatlement passé sous silence. Si la veine est profonde, le filet n'est pas très riche pour un lecteur non américain. Il y avait là une lacune à combler.

La puissance de Goldman Sachs, les scandales qui l'entourent sont bien sûr pain bénit pour les adeptes des théories du complot. Le culte du secret entretenu par la maison est malheureusement propice à la propagation de rumeurs, d'informations de seconde main, difficiles à vérifier. J'ai voulu à tout prix éviter le conte moral recouvrant le classique affrontement entre le Bien et le Mal, de tomber dans le travers consistant à attribuer des pouvoirs maléfiques à ceux qui réussissent aussi, d'abord, à force de travail. LA Banque n'est donc ni l'incarnation du Bien sur terre ni la puissance diabolique que beaucoup décrivent aujourd'hui, y compris en Amérique.

Goldman fait ci, Goldman fait ça. L'enquêteur qui veut explorer les coulisses, les règles, les codes et les petits secrets du saint des saints de la finance internationale est pris de vertige. L'ampleur des activités de l'empire est aujourd'hui sidérante.

Le dernier défi était de raconter cette saga d'une manière qui soit à la fois compréhensible pour le spécialiste de la finance comme pour le profane. J'espère y être parvenu.

Table des matières

Préambule9
1 - Le deal de trop17
2 - Le gouvernement Goldman27
3 - Les moines banquiers41
4 - Prédateurs et proies53
5 - Le jeune Frankenstein est français65
6 - Conflits d'intérêts79
7 - Le « p'tit gars de Brooklyn »95
8 - Un paradoxe nommé Obama107
9 - L'argent roi121
10 - Chiens de journalistes !133
11 - La maison des BRICs145
12 - Le lundi noir159
13 - Très chers amis173
14 - Goldman Sex185
15 - La Terre promise195
16 - Les affaires sont les affaires209
17 - Au casino219
18 - Un monde de brut231
19 - Trois hommes et un trône243
20 - Casser Goldman ?255
Conclusion267
Annexes271
1. Goldman Sachs : Nos Principes273
2. Chronologie de la crise financière277
3. Lexique287
4. Que sont-ils devenus ?291
Bibliographie295

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