Auteur : Nicolas BOULEAU
Publication : 1998
Editeur : Editions Odile Jacob
ISBN : 2-7381-0542-4
Nombre de pages : 221
Prix : 22,11 euros
L'économie contemporaine est dominée par les marchés financiers. Ils commandent le développement industriel et commercial.
Ils imposent leur loi aux gouvernements. Quels principes les régissent ? Leur fonctionnement demeure-t-il chaotique ou bien
recèle-t-il une logique qu'on peut analyser et reconstituer en toute certitude ?
Si l'on pénètre dans les salles spécialisées à Paris, Londres, Tokyo ou bien Chicago, partout règnent les mathématiques.
Ce n'est pas un hasard si Black, Scholes et Merton ont reçu leur récent prix Nobel pour des équations qui servent aux
opérateurs des banques.
Les mathématiques vont-elles nous permettre de maîtriser enfin les marchés dont dépend l'économie tout entière ?
NICOLAS BOULEAU Mathématicien, Nicolas Bouleau est professeur à l'Ecole des Ponts et a dirigé l'une des premières unités de recherche françaises à travailler avec les banques sur les produits dérivés. Il est lauréat du prix Montyon de l'Académie des sciences.
Ce livre n'est pas un manuel pour opérateur des salles de marchés ni un ouvrage de propagande idéologique. Ce sont simplement des observations d'un mathématicien, professeur dans une grande école d'ingénieurs, qui a travaillé avec des banques sur les nouveaux produits financiers. J'ai pris part à une expérience particulière, quoique de plus en plus courante, dont je souhaite faire partager les interrogations.
Il en est une, bien naturelle, par laquelle je propose de commencer. Est-il possible de gagner vraiment de l'argent sur les marchés financiers ?
Certains prétendent que le mieux que l'on puisse faire, c'est gagner en proportion autant que le marché dans son ensemble, sauf à prendre un surcroît de risques.
Exact peut-être, mais peut-être seulement. Abandonnons ici tout espoir de certitude. Ne nous appuyons pas trop sur les réponses d'ordre général. Car il est, en économie, au moins une évidence frappante : la valeur prédictive des théories y est beaucoup plus faible que dans les sciences physiques.
Je pense qu'il est plus instructif d'aborder la question de manière concrète. En d'autres termes, la meilleure façon de pénétrer les arcanes de la finance me paraît être de se faire progressivement une opinion en entreprenant de les parcourir soi-même. J'engage donc celui qui s'y intéresse à constituer pour lui-même en blanc, sur le papier, plusieurs portefeuilles de titres, et à expérimenter sur chacun d'eux, méthodiquement, au jour le jour, ses idées quant aux principes de gestion. Sans doute lui faudra-t-il pour cela s'informer sur les cours et les suivre dans son journal, lire les commentaires sur les valeurs concernées et s'attacher tant aux faits économiques qu'aux opinions exprimées, car l' opinion a son importance. On élargira considérablement le champ des stratégies qu'on peut tester si l'on dispose d'un ordinateur et d'un tableur usuels. Ils permettent de faire des statistiques, moyennes annuelles, mensuelles, moyennes mobiles, variances, d'étudier les corrélations entre diverses grandeurs et de les confronter à leur signification économique. Les possibilités graphiques permettent aussi de tester les déductions à caractère géométrique.
Un semblable suivi, expérimenté pendant quelques mois, apprend beaucoup de choses qui ne sont pas dans la presse financière. On tire les leçons de ses échecs et de ses réussites. On peut aller plus loin : après la gestion de portefeuilles de valeurs mobilières, entreprendre celle des matières premières ou des devises, et s'initier enfin aux produits dérivés, contrats à terme et options. Ces derniers sont les vrais instruments des prises de position : grâce à eux on peut construire différents paris sur l'avenir. En faire l'expérience ne nécessite pas l'investissement d'un abonnement à la cote instantanée, même si l'on veut mettre à l'épreuve les méthodes les plus récentes de couverture, c'est à dire de protection contre les risques.
Cette approche par la pratique présente l'avantage d'amener à traiter la finance comme un domaine ouvert, ce qu'elle est vraiment. De façon plus ou moins déformée, la finance reflète la vie sociale par l'intermédiaire des faits économiques et par les interprétations que s'en font les acteurs qui interviennent en bourse. Ceux-ci traduisent leurs vues par des calculs et des modèles et il est intéressant de savoir que depuis une vingtaine d'années le fonctionnement quotidien des marchés repose, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sur des recherches mathématiques récentes.
De nouvelles pratiques sont apparues, et les grilles d'analyse anciennes de l'activité des financiers s'avèrent aujourd'hui mal adaptées. Précisément parce qu'il est difficile de schématiser son fonctionnement, l'importance prise par la finance dans les entreprises et dans l'économie mondiale mérite d'être examinée avec soin.
C'est évidemment un sujet hautement polémique. Il nous amène à convoquer immédiatement la justice et la morale. Dès qu' un article touche à des questions financières, le lecteur change de regard. Son bon sens lui commande d'abandonner sa naïveté, de voir le monde comme une polarisation de forces et d'intérêts. La monnaie est un substitut qui n'a pas en soi de signification propre, de sorte que la catégorie de l'argent pousse à interpréter les faits. Notre lecture des gestes les plus quotidiens renvoie aux sources myhtiques de notre culture. Ainsi par exemple de la liberté des prix. Pourquoi le prix du pain aurait-il dû être libre ? Du pain, le peuple de Paris en réclamait à Mme Veto... Droits de l'homme contre liberté des prix ? Nous voilà en plein procès historique et politique. Ainsi tout au long de ce livre pourraient s'ouvrir des polémiques. Nous nous garderons de nous y embourber.
La finance est avant tout une pratique. Mais comme toute technique elle est influencée par les idées élaborées pour l'améliorer. Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, elle était considérée comme un domaine distinct de l'économie. Elle était enseignée de manière essentiellement descriptive, et l'on mettait l'accent sur ses aspects institutionnels et juridiques et sur les calculs d'actualisation. Durant le troisième quart du XXème siècle, elle est devenue l'objet d'une théorie économique charpentée et argumentée, avec des variantes et des controverses comme toute science en connaît. Cette évolution fut principalement le fruit de l'école économique universitaire américaine avec une contribution significative de l'école française. Ainsi ont été développés : la théorie du marché efficient ; la théorie de la sélection de portefeuille ; l'analyse de risque ; les modèles de marchés, d'abord le modèle de Markowitz-Tobin, qui fait intervenir le temps de la façon la plus simple, sur une période, et le hasard par l'espérance et la variance, puis le capital asset pricing model qui en est une version d'équilibre, puis leurs nombreux perfectionnements...
Les praticiens de la finance ne peuvent plus aujourd'hui ignorer un large corpus conceptuel, qui utilise toutes sortes de mathématiques (probabilités et statistiques, contrôle, optimisation, etc.). Cet usage des mathématiques par l'économie financière est une question assez délicate car le souci de rigueur et de généralité qui anime les chercheurs mène à des développements analytiques très déductifs. Mais une théorie très déductive peut-elle être légitime pour une science sociale ? La mathématisation sollicite immanquablement une réflexion nouvelle sur les hypothèses qui rendent possible l' argumentation. Les économistes tentent donc de choisir le meilleur dosage de représentation symbolique suivant les questions. Il est normal d'accepter davantage de mathématiques sur des points où elles restent en connexion étroite avec les applications et l'usage des praticiens. Cest le cas de la finance.
Aujourd'hui ce que font les opérateurs sur les marchés financiers tant à Chicago qu'à Tokyo, Londres, Paris ou Singapour, avec les conséquences sur le commerce et l'économie mondiale que l'on imagine, est pensé en termes de "calcul d'Ito" et de quelques autres notions sur cette branche des mathématiques qu'est le calcul stochastique. Du point de vue de la discipline scientifique (l'économie financière), c'est sur un point relativement mineur qu'une connexion tout à fait intime se trouve ainsi établie entre des mathématiques très avancées et la pratique des opérateurs dans les salles de marchés des institutions financières. Mais ce point s'est avéré crucial. Il s'agit de la question de l'évaluation et de la couverture des options, c'est à dire le problème du calcul de leur prix et celui de leur bonne gestion contre les risques. Sur ce point précis, une logique très forte, dont les travaux des économistes universitaires ont fourni l'argumentation, a rendu concrets et opérationnels des outils mathématiques théoriques et abstraits. Cette connexion des mathématiques et des marchés financiers permit aux mathématiciens et aux banquiers de travailler ensemble.
De nouvelles pratiques apparurent. Nous allons ici les étudier et tenter d'en dégager la portée dans certaines situations. Il m'est apparu qu'une investigation pertinente pouvait être menée sur plusieurs questions relatives au rôle des marchés financiers sans qu'il soit nécessaire de faire référence aux théories d'économie financière. Celles-ci apportent certes des éclairages utiles, et il existe de bons ouvrages en langue française auxquels je renvoie volontiers le lecteur. Mais, quant à la modélisation de l'équilibre des choix des agents en présence de risques qu'on appelle la théorie de la sélection de portefeuille, je pense qu'elle avait pris une importance largement excessive compte tenu de la fragilité de ses hypothèses (comportement rationnel des agents et fonction d'utilité, rationalité économique de marché, et surtout existence d'une même probabilité générale régissant le futur du point de vue de chacun et de tous, etc.). Aussi la réflexion que je propose sur les marchés et sur le comportement des cambistes fait-elle l'économie de ces hypothèses et de cette théorie.
Les nouvelles idées qui ont permis l'essor des marchés dérivés, et qui sont l'expression de mathématiques avancées, sont apparues aux Etats-Unis dans les années 1970. Mais en France la rencontre entre les banquiers et les mathématiciens ne s'est faite que vers le milieu des années 80. Cette histoire mérite d'être évoquée.
Pour prendre la mesure de la perturbation et du désarroi provoqués par cette rencontre, il faut se rappeler combien la vie intellectuelle parisienne était alors dominée par les idées de gauche. Ainsi, dans la communauté des mathématiciens français, les divers courants avaient-ils pour dénominateur commun un certain idéalisme de la discipline et une méfiance vis-à-vis des applications. Les mathématiques ne devaient pas être mises au service du complexe militaro-industriel, et devaient être refusées au nucléaire et au capital. Par son traité monumental tourné vers les mathématiques pures, Bourbaki donnait le ton.
Les applications que l'on pratiquait néanmoins, ici ou là et de plus en plus, étaient considérées comme un travail alimentaire destiné à compléter les ressources des équipes de recherche. En vérité, la pratique des applications était souvent ingrate. Rares étaient les contrats avec l'industrie qui permettaient de mettre en oeuvre des mathématiques avancées ou récentes. C'est à partir des années 80 que les banques ont commencé à s'intéresser sérieusement pour leurs recrutements aux jeunes de formation scientifique, notamment aux anciens élèves des grandes écoles d'ingénieurs, et ceci non pour les reconvertir vers le management mais pour utiliser leurs compétences mathématiques.
En 1985, un jeune ingénieur recruté par une grande banque d'affaires attira l'attention de mon équipe de recherche sur des articles de revues dont se servaient les financiers, et où trônaient en bonne place les notions de calcul stochastique fraîchement abordées en mathématiques pures. Qu'est-ce qui pouvait bien intéresser les banquiers dans l'intégrale d'Ito sur laquelle nous travaillions depuis plusieurs années ? Etait-ce sérieux ou bien n'était-ce qu'une coquetterie de scientificité comme on en rencontre parfois ?
Nous nous mîmes au travail en interne d'abord, puis, sous l'impulsion du trader qui servait d'interprète, des relations de travail furent tissées avec les salles des marchés. Le MATIF ouvrit en 1986. Nous apprîmes que des collègues de l'Université Paris-Dauphine s'étaient déjà lancés dans l'affaire, qu'on s'en préoccupait dans plusieurs autres établissements et qu'aux Etats-Unis le sujet était à l'étude depuis une dizaine d'années déjà.
C'est ainsi que je pris le départ d'une aventure intellectuelle assez inattendue. Non seulement c'était du sérieux en terme de recherche mais c'était un tournant historique dans les mathématiques appliquées. Cela a suscité un fort courant tant pour la recherche que pour la formation professionnelle. Evidemment, durant ces années de démarrage des mathématiques financières, les questions éthiques étaient largement débattues au sein de la communauté des chercheurs. Asseoir nos activités au coeur des temples du profit posait des problèmes de conscience. Cependant, nous étions sensibles au fait qu'il ne s'agissait pas d'une application comme les autres - modélisation puis calcul numérique - mais de la découverte d'un lien profond, une compréhension nouvelle, et cela nous encourageait à poursuivre, pour voir.
Le thème est largement traité maintenant dans l'enseignement supérieur de nombreux pays où il alimente un flux régulier d'étudiants. Ironie de l'histoire, il est à ce point considéré comme naturel que l'Ecole normale, qui avait été à Paris un haut lieu de la pensée marxiste, a récemment organisé l'un des colloques internationaux les plus prestigieux sur les produits dérivés.
La lecture de ce livre ne nécessite aucune connaissance préalable en économie financière ni en mathématiques. Aucune des équations compliquées dont se servent les opérateurs sur les marchés ne figure dans le texte. J'ai cherché à mettre en relief les idées principales, à présenter leur articulation et à préciser les interrogations pendantes. Je souhaite ainsi permettre au lecteur, qui aura pris connaissance de ces relations nouvelles entre mathématiques et finance, de se mouvoir plus aisément dans ce paysage complexe et d'affiner sa propre vision des choses.
Un glossaire se trouve à la fin du livre. Il est là pour des approfondissements plutôt que pour des éclaircissements, et s'y reporter ne devrait pas être nécessaire à la compréhension du texte. S'il subsiste ici ou là des obscurités, elles sont dues à des erreurs ou des incompréhensions de ma part, pour lesquelles je demande par avance l'indulgence du lecteur.
Nous commencerons notre itinéraire par les salles de jeux et les casinos. C'est à propos des jeux de hasard en effet qu' est née la théorie des probabilités et qu'ont été forgés les outils mathématiques utilisés par la finance. De plus, cette entrée en matière correspond bien à la nature humaine de la finance. Le ton grave des journaux et des praticiens ne doit pas faire illusion, les joueurs des casinos eux aussi sont sérieux. Tout se passe comme si la finance était un jeu passionnant pour de vrai, mobilisant toutes les catégories mentales, ouvert aux initiatives les plus variées, et dans lequel, situation assez rare, l'intelligence est très clairement source de pouvoir. Les jeux de hasard en sont de sommaires modèles réduits. Et les mathématiques en rendent parfaitement compte.
On peut utiliser le langage mathématique du hasard pour parler des cours de bourse, ainsi que le fit Louis Bachelier au début du siècle. Le fait n'est pas évident, sauf à se rappeler la complexité des phénomènes économiques et la conception du hasard que Henri Poincaré a développé à partir des systèmes dynamiques. Restés longtemps ignorés, les travaux de Bachelier sont considérés aujourd'hui comme pionniers de la finance moderne. Ils nous permettront d'évoquer le mouvement brownien, objet mathématique central dans bien des domaines, ainsi que les processus aléatoires qui en dérivent et qu'on ne manie pas grâce aux règles de calcul différentiel habituelles (celles élaborées par Leibniz et Newton) mais avec le calcul d'Ito, devenu routinier dans les salles des marchés... Ainsi, malheureusement, s'accentue le caractère ésotérique des pratiques financières !
Une fois remarqué que le bénéfice d'une série d'achats et de ventes de certaines quantités d'un actif s'écrit comme une intégrale, c'est à dire comme une somme continue, nous en saurons assez pour aborder les produits dérivés dont la gestion met en oeuvre ces nouvelles techniques mathématiques.
Nous arrivons ici au coeur de la problématique financière, là où se fit la révolution conceptuelle des années 70. C'est en effet par le moyen du traitement du risque et des contrats à terme que l'existence des marchés organisés a bouleversé la rationalité économique.
Selon la rationalité en usage jusque dans les années 60, lorsqu'une banque vend un titre à terme, disons à trois mois, elle propose un prix augmentant d'une marge bénéficiaire la valeur espérée du titre, c'est à dire la moyenne de ses valeurs probables dans trois mois. Elle fait donc appel à des experts en analyse économique pour évaluer ces probabilités. Une fois le contrat de vente passé, elle ne s'en préoccupe plus que trois mois plus tard, pour voir si elle est perdante ou bénéficiaire et de combien.
La rupture épistémologique des années 70 a consisté à prendre conscience que des achats et des ventes du titre en quantités convenables durant trois mois permettent à la banque de réaliser exactement le contrat, à un montant fixe près que l'on peut calculer dès le départ. Et ce montant fixe devient nécessairement le prix du contrat à terme, car, si la transaction se faisait à un prix différent, ou bien la banque, ou bien le client, en se servant du marché, pourrait réaliser un profit de façon certaine. En d'autres termes, c'est le seul prix qui empêche tout arbitrage : il supprime toute possibilité de profit sans risque. Le marché exprime lui-même le hasard que l'on redoute, si bien qu'en tenant compte du marché à chaque instant on parvient véritablement à abolir le hasard. Il y'a là un miracle mathématique. Cela permet la couverture exacte d'un contrat. En procédant ainsi une banque exploite vraiment les possibilités que lui offrent les marchés organisés qui lui fournissent continûment une cote instantanée pour vendre ou pour acheter. Le principe de la couverture des contrats est d'une logique imparable. Il a permis l'essor rapide des produits dérivés et des marchés organisés correspondants.
Il s'agit d'une nouvelle rationalité dans la gestion des risques et des anticipations financières. Elle nécessite la constitution d'un portefeuille de couverture selon une technicité assez savante. Elle accorde une place plus importante à l'information fournie par les marchés mais une place plus limitée à l'expertise des prévisionnistes. Tel est le changement qui me paraît le plus considérable : le suivi de marché devient la réalité objective prépondérante.
La connaissance du fonctionnement des marchés financiers et de l'attirail mathématique qu'ils utilisent permet-elle de jeter sur le dossier général de la spéculation financière un regard différent ? Il s'agit de pratiques de nature hétérogène quoique sans frontières nettes entre elles. Une image convient assez bien : on peut résumer l'évolution récente en disant que la finance est devenue un secteur de pointe. Comme dans les industries de pointe telles l'informatique et le génie génétique, la scientificité de la démarche est une condition des profits. Et, en finance comme dans ces secteurs, la science est fécondée en retour par la pratique. Tout cela conduit nécessairement à des problèmes éthiques qu'il faut expliciter.
Dans le dernier chapitre, j'aborde le thème de l'élargissement récent des pouvoirs financiers et de la légitimité de cette évolution. La mise en place des marchés dérivés y a joué un rôle déterminant. Ils sont à l'économie ce que les médias sont à l'opinion. On ne peut pas ne pas tenir compte de ce qu'ils disent. Quant aux modalités d'exercice de ce pouvoir, elles sont caractérisées par l'absence d'inertie et les cassures brutales comme celles de matériaux fragiles. En comparaison des procédures d'élaboration des décisions, soumises à des rapports de forces politiques, dans les domaines de l'aménagement du territoire ou de l'environnement, les pouvoirs financiers me paraissent s'exercer actuellement de façon assez sauvage dans la mesure où des causes relativement futiles peuvent avoir des conséquences d'une grande ampleur. On veut espérer que la construction européenne sera une occasion privilégiée d'expérimentation et d'amélioration à cet égard.
Que mes collègues de l'Université, de l'EHESS, et les chercheurs du LATTS et du centre de mathématiques de l'Ecole des Ponts soient ici remerciés pour les échanges d'idées auxquels ils se sont prêtés, ainsi que les praticiens des salles des marchés qui ont bien voulu accepter le risque de perdre un temps précieux à discuter mathématiques. Ma gratitude va aussi particulièrement à Patrick Pouyanne pour ses critiques et suggestions.
Avant-propos | 7 |
PREMIERE PARTIE Martingales | |
I. Le hasard au casino | 21 |
La passion du jeu 21, - Les martingales des joueurs 23 | |
II. La Bourse et les probabilités | 27 |
Economie et hasard 27, - Les idées de Louis Bachelier 29, - Processus ayant la propriété du centre de gravité 31, - Les martingales des mathématiciens 33 | |
III. Des mathématiques développées hors de la finance | 35 |
Les mathématiques en avance sur les applications 35, - Le mouvement brownien 38, - L'intégrale stochastique comme bénéfice du spéculateur 41, - La notion d'intégrale depuis Archimède 41, - L'intégrale stochastique et le calcul d'Ito 43, - Espérance mathématique et meilleure estimation rationnelle 46 | |
DEUXIEME PARTIE La couverture des options : une rupture épistémologique | |
IV. La connexion inattendue | 57 |
Options et autres produits dérivés 57, - Marchés organisés 58, - Portefeuille de couverture et non-arbitrage 61 | |
V. Une rationalité différente | 65 |
Principe de couverture et meilleure estimée rationnelle 65, - Rationalité de marché 67, - Subjectivité des lois de probabilité 70 | |
VI. Couverture des risques par suivi de marché | 72 |
La force de l'argument arbitrage/non arbitrage et du principe de couverture 72, - Mobilité des capitaux et couverture des options 77 | |
TROISIEME PARTIE Science et spéculation | |
VII. Une dynamique complexe | 83 |
Les professionnels 84, - Spéculation et échanges de risques 86 | |
VIII. Illusions du hasard | 89 |
Stabilité et instabilité en présence de bruit 89, - Le problème de la base monétaire 95, - Les rapports de forces dans le risque 97 | |
IX. Trois types de spéculation | 108 |
Spéculation économique 108, - Spéculation psychologique 110, - Spéculation mathématique 115 | |
X. Pratiques et valeurs morales | 121 |
Prises de position et arbitrages 121, - Question éthiques 126 | |
QUATRIEME PARTIE Les enjeux et les mises | |
XI. Marchés et économie | 135 |
"Motifs de croire" et théorie de l'utilité 136, - Changements de repères en physique : les expériences dur la lumière 141, - Changements de repères en finance : les expériences sur le mouvement brownien 142, - L'efficience des marchés est une notion subjective 148 | |
XII. Place particulière de la finance dans la production des connaissances | 154 |
Nouveaux débouchés scientifiques 155, - Enseignement et finance 156, - Privatisation des savoirs et connaissance de "domaine public" 158 | |
XIII. Pouvoir et innocence des marchés financiers | 160 |
Modification des rapports de pouvoir due à l'apparition des marchés dérivés 162, - Psychologie et fonctionnement des marchés 164, - Le marché comme universalisme 171, - Construction européenne et marchés financiers 177 | |
XIV. Risque et long terme | 181 |
La tempête financière mondiale 181, - Culture d'ingénieur et culture financière 183 | |
Conclusion | 187 |
Glossaire | 195 |
Bibliographie | 209 |
Index | 215 |
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