Auteur : Bernard Maris
Publication : 1999
Editeur : Seuil
ISBN : 2-02-059106-5
Nombre de pages : 146
Prix : 6,18 euros
Nouvelle édition mise à jour d'un pamphlet best-seller contre l'absurdité et l'arrogance du discours économique néolibéral dominant dans certains médias, les institutions internationales et chez tous les gourous autoproclamés économistes qui déversent chaque jour leurs "analyses" et prévision. C'est un ouvrage unique en son genre, car il associe les vertus d'un livre didactique et la vivacité d'une "lettre ouverte" traversée par un humour au vitriol. C'est du Keynes revisité par Desproges ! Côté didactique, on y trouve explicités de façon lumineuse les impasses du modèle néoclassique, l'impossibilité des prévisions économiques, les crises financières récurrentes, les méfaits des interventions du FMI dans les pays en développement, etc. Côté humour, il n'y a qu'à ouvrir le livre au hasard pour se faire une idée.
Mais cet humour grinçant fera rire jaune aussi. Car au fond ce livre pose aux économistes qui riront volontiers une question dérangeante : pourquoi ont-ils laissé des imposteurs, des pseudo-experts faire main basse sur leur science, pour en faire le discours le plus illisible, le moins crédible, et peut-être déjà le plus détesté ?
Bernard Maris Professeur à l'université de Paris-VIII, auteur d'une dizaine d'ouvrages et notamment de Keynes, un citoyen dans le siècle (Presses de Sciences Po.), Ah! Dieu! que la guerre économique est jolie ! (Albin Michel, avec P. Labarde).
Depuis 1999, date de la première édition, un certain nombre d'événements méritent d'être relevés qui confirment les thèses exposées dans ce livre.
Le premier est « l'affaire Enron ». Enron est une escroquerie, certes, mais c'est d'abord une manipulation d'experts. Alors qu'en juillet 2000 les deux PDG d'Enron, Kenneth Lay et Jeff Skilling, empochaient des millions de dollars en vendant leurs actions, des milliers d'actionnaires attendaient d'être ruinés en écoutant les avis des analystes financiers, des agences de notation, des banques d'affaires, des journalistes économiques et financiers qui continuaient à considérer la firme comme « best of the best ». À quinze jours de la mise en faillite (la plus grosse faillite de l'histoire américaine après celle de World Com), une majorité d'analystes et une banque d'affaires, Goldman Sachs pour ne pas la nommer, encourageaient encore le peuple à acheter du Enron. Ces pauvres petits actionnaires et titulaires de plans d'épargne retraite d'Enron, vraiment pris pour des imbéciles, se retrouvèrent avec une action valant 1 dollar alors qu'elle en valait 90, moins de six mois auparavant, tandis que le staff supérieur d'Enron venait de se voter (oui, quinze jours avant la faillite!) une substantielle augmentation de salaire. Certes, à côté de « l'intox » il y a l'auto-intox : analystes, agences de notation, banques d'affaires, journalistes, experts-comptables, et milieux d'affaires fonctionnent en boucle, ou en meute : dès que l'un se met à hurler contre la bête, tous s'y mettent. Toutes les agences de notation encensèrent Enron, et du jour au lendemain toutes la dénigrèrent.
En janvier 2000 également, un des meilleurs experts et macroéconomistes français prévoyait un « CAC 40 à 10000 sans problème dans les six mois ». Six mois plus tard, le CAC avait perdu 60 % de sa valeur, et certaines entreprises plus de 80 %. Mais il est vrai qu'Irving Fisher, l'un des meilleurs économistes de son temps, pensait que « la valeur des actions avait atteint un plateau permanent » quelques jours avant la crise de 29, et que Keynes lui-même pensait que la guerre de 14 ne durerait pas longtemps, « les États n'ayant pas les moyens de la payer».
Le deuxième événement important est la faillite de l'Argentine, suite au merveilleux plan mis en place par cet extraordinaire pompier pyromane, longuement vilipendé dans ce livre, qu'est le FMI. Tant que l'impéritie et le cynisme des gourous et des experts ne se traduisent que par des interviews jargonneux dans les télés, pas de quoi fouetter un téléspectateur, à qui l'on explique en général que le chômage est lié à son égoïsme s'il n'accepte pas la baisse des impôts des riches, celle de son salaire, ou la fin de son « privilège d'emploi » s'il est fonctionnaire. Mais parfois, l'impéritie et le cynisme débouchent sur des émeutes. Ce fut le cas en Argentine, après l'Indonésie, après d'autres. Depuis l'Argentine, j'avoue que la notion de « crime économique » commence à me hanter.
Le troisième événement est la remise du prix Nobel d'économie à Joseph Stiglitz, ex-chef-économiste de la Banque mondiale, ex-chef conseiller des économistes de Clinton, et sa publication de La Grande Désillusion1. Stiglitz est un économiste mathématicien extrêmement classique. Une fois de plus, comme nous le disons dans ce livre à propos de tous les grands économistes, il a craché le morceau après être arrivé au sommet. Il a rappelé ce que lui et d'autres chercheurs orthodoxes comme lui ont démontré maintenant depuis 25 ans, à savoir que le marché est inefficace et que le libéralisme n'a pas de fondement en théorie économique2. On doit également à Stiglitz un résultat essentiel, connu sous le nom de « paradoxe de Stiglitz », disant en substance que le marché, laissé à lui-même, ne peut améliorer son fonctionnement3. « Marché efficient » est donc un oxymore, démontre Stiglitz, après bien d'autres. Qu'on le sache depuis une trentaine d'années donne un certain relief à l'aventure des gourous-nobels Merton et Scholes que nous racontons.
L'« outing » de Stiglitz a le mérite de confirmer le rôle des gourous de l'économie mis ici en scène. Le premier reproche que Stiglitz fait aux experts est leur manque de connaissances économiques. Leur ignorance, il faut l'avouer, crasse. Dans le cas du FMI, c'est flagrant. Bien entendu, cette ignorance est proportionnelle à leur faconde, leur fermeté et leur rigueur. Malheureusement, l'ignorance n'est pas seule en cause. Parfois les « experts » accompagnent des privatiseurs et des récupérateurs de toutes sortes. L'histoire de la Russie racontée par Stiglitz ou Sapir4 est exemplaire. Dans les « gourous » mis en cause dans la scandaleuse privatisation de la Russie, on retrouve Lawrence Summers, actuel patron de Harvard, ex-chef des conseillers économiques de la Maison Blanche, ex-gourou de la Banque mondiale, secrétaire adjoint puis secrétaire au Trésor américain, ex-patron de l'HIID (Harvard Institute for International Development) qui joua un grand rôle auprès d'Eltsine et fut dissous après l'affaire russe. De l'action des gourous du HIID « résultèrent les sanglants affrontements d'octobre 1993. Ils furent à l'origine d'un retournement essentiel dans la trajectoire politique de la Russie depuis l'arrivée au pouvoir de Gorbatchev. C'est de ces événements que l'on peut dater l'involution démocratique de la Russie 5. Les experts passent, la mafia reste. On ne peut résister au plaisir de rappeler les conceptions économiques du gourou Summers concernant la vie humaine : « Les pays sous-peuplés d'Afrique sont largement sous-pollués. La qualité de l'air y est d'un niveau inutilement élevé par rapport à Los Angeles ou Mexico. Il faut encourager une migration plus importante des industries polluantes vers les pays moins avancés. Une certaine dose de pollution devrait exister dans les pays où les salaires sont les plus bas. Je pense que la logique économique qui veut que des masses de déchets toxiques soient déversées là où les salaires sont les plus faibles est imparable6. »
Imparable.
Ces déclarations continuent d'horrifier la plupart des gens sensés, mais elles ont le mérite de révéler le cœur du problème économique, problème, qui, comme disait Keynes, « devra un jour être ramené à la place qui est la sienne : l'arrière-plan ».
1. Joseph E. Stiglitz, La Grande Désillusion, Paris, Fayard, 2002.
2. Le résultat fondamental démontrant que lorsque l'information est imparfaite l'équilibre concurrentiel
n'est pas efficace (optimal au sens de Pareto) est dû à B. Greenwald et J. E. Stiglitz, « Externalities in économies
with imperfetc competition and incomplete markets », Quarterly Journal of Economies, vol. 101, n°2, mai 1986,
p. 229-264. Mais, bien entendu, ce résultat, vieux comme l'économie, est dans la « Théorie générale » de Keynes, ou
peut être associé, tout simplement, à l'équilibre de Nash d'un dilemme du prisonnier.
3. S. J. Grossman et J. Stiglitz, « On the Impossibility of Informationally Efficient Markets »,
American Economie Review, vol. 44, n° 2, 1980, p. 451-463.
4. Jacques Sapir, « Les économistes contre la démocratie », Paris, Albin Michel, 2002.
5. Sapir, op. cit., p. 29.
6. Extraits cités par The Economist, 8/02/92, The Financial Times, 10/02/92, reproduits
dans Courrier International, n° 68, 20/02/92, et par Le Monde du 19/05/92
Messieurs qui parlez d'économie, ou plutôt qui vendez vos petites salades en les enveloppant d'économie — après tout, c'est un calcul qui en vaut bien un autre, peut-être même s'agit-il d'un calcul économique -, ce ne sera pas vraiment une lettre de félicitations. Et messieurs qui êtes des économistes, on ne vous félicitera pas non plus d'aller braire avec les baudets, ou de les laisser braire.
On ne vous félicitera pas, les uns et les autres, de votre conversion que l'on sent imminente. Vous adoriez le marché? Vous allez le brûler. Vous haïssiez l'État? Vous le réclamez. Vous avez détesté les contrôles des capitaux ? Vous appelez à un nouveau « Bretton Woods ». Vous ne juriez que par les « pays émergents » ? Voici que ces merveilles de croissance, abreuvées de capitaux, n'étaient que dragons de papier et baudruches de familles mafieuses ! Vous encensiez la vente à l'encan et l'équarrissage des défunts pays de l'Est ? Vous hurlez au manque de poigne ! Vous ne juriez que par le « trop d'impôt tue l'impôt » ? Voilà que vous reprochez à la Russie de n'en pas collecter assez ! Vous applaudissiez à la flexibilité et à l'abaissement du coût du travail ? Les plus bornés et les plus sectaires d'entre vous (les « experts » de l'OCDE pour ne pas les nommer) confessent que le coût du travail n'est pas responsable du chômage ! Et voilà que certains en sont à réclamer de l'inflation1 !
Le manque de vergogne procure les vertiges du manque.
Certes, renier sa parole fut la chose la plus humaine dès que purent chanter les coqs. Mais chez vous, le retournement de veste et l'explication à tout et à son contraire par les mêmes causes sont consubstantiels. Professionnels si vous préférez.
C'est tout de même incroyable... Comment pouvez-vous, sans risques, sans conséquences, vous renier à ce point? Pourquoi utilisez-vous l'économie pour vendre des salades? Et pourquoi vous laisse-t-on utiliser l'économie comme argument de vente, à côté du sourire idiot ou du tour de poitrine de la crémière ?
Au fait, qui êtes-vous? De quel droit parlez-vous d'économie, c'est-à-dire des « affaires de la maison»? Qui vous a faits rois en cette fin de siècle, sermonnant, affirmant, bavassant de « théorème » grotesque (le théorème de Schmidt ! « Les profits d'aujourd'hui sont les emplois de demain ! » Vingt ans que les profits augmentent et le chômage aussi !) en loi fatidique comme la « loi de l'offre et de la demande » ? Êtes-vous de nouveaux augures, avec les mêmes entrailles bleutées à examiner que vous dénommez « statistiques », des prêtres ou les vierges d'une nouvelle religion, où le Saint-Esprit s'appelle le Marché, comme le murmurent à confesse certains d'entre vous2? Des employés en communication? Des publicitaires, plutôt mal payés, des puissants de ce monde ? Des médecins de Molière, de simples escrocs ? Des sophistes - le bagout de Gorgias et la noblesse d'Hippias en moins ? Des jésuites appliqués - non, car vous aimez le travail bâclé, l'argument ficelé en hâte, et toujours le même, « la loi de l'offre et de la demande et la confiance », pour expliquer la hausse de la Bourse, la baisse de la Bourse, ou la hausse du chômage, ou la baisse du chômage. Et puis les jésuites avaient une autre gueule : le père Lavalette, flibustier en soutane, les conseillers du Céleste Empire, les missionnaires du Paraguay, effacent largement tous les experts du FMI et de la Banque Mondiale réunis (ne parlons pas des clones déjà cités de l'OCDE).
Êtes-vous des ânes couverts d'une peau de lion? Des lions qui jouent Peau-d'Âne ?
On a envie de comprendre. Pourquoi cette science économique, partie de si haut, de la philosophie et de la logique, de Ricardo, de Marshall, au temps où il la constituait patiemment en science autonome à Cambridge avec l'appui du logicien Sidgwick, et suppliait Keynes, dont il pressentait le génie, de faire une thèse d'économie et non une thèse de maths (et Keynes fit les deux), est-elle descendue au niveau du brouhaha de réfectoire, avec quelques pions qui gueulent plus fort, comme si la physique des Foucault s'était abaissée au radotage des madames Irma contant l'avenir avec un pendule ?
Comprendre pourquoi vous terrorisez autrui de votre langage abscons - « Abscons comme un discours d'économiste », disait-on déjà au temps de Louis XV et des physiocrates... « L'économie ? Je n'y comprends rien ! » Trouvez un seul citoyen qui prétende le contraire !
Êtes-vous vraiment dupes ? Êtes-vous des « salauds » sartriens, conscients de votre rôle, de votre ignorance, et du travestissement de votre ignorance ? De simples nigauds pour les uns, gardiens du mensonge, comme d'autres gardent les coffres des banques - alors, dites-le : personne n'a jamais songé à incriminer un policier de sa besogne ; même un kapo trouvera grâce aux yeux des survivants. Des Ponce Pilate qui pigent à la télé pour les autres ?
Peut-être croyez-vous sincèrement à ce que vous dites ; franchement, pour vous, on espère que non. Peut-être la vie va-t-elle trop vite pour vous aussi, et êtes-vous obligé de cracher vos analyses comme d'autres animaux crachent leur lait à la trayeuse ou leur sève anémiée dans leurs éditos quotidiens, par manie, radotage technique, parce que vous êtes à la chaîne de la communication, misérables travailleurs atomisés de l'information. Parce qu'il faut vivre. Ou survivre. Par « divertissement », pour vous faire un peu d'honneur et vous renvoyer à celui qui était fasciné par les jésuites.
C'est le mot « élevage en batterie » qui vient à l'esprit, en voyant la similitude de vos analyses, le ronron inlassable de ce que vous demandez aux hommes : servitude, flexibilité, souplesse, expiation sous « la dure et juste loi des marchés financiers », titre expiatoire d'un quotidien du soir... Les moines de l'Inquisition avaient plus de subtilité.
Oui, retourner sa veste et vendre sa salade sont choses bien humaines. Mais trahir sa parole de clerc, de savant, de chercheur, de spécialiste, d'analyste, voilà qui est plus choquant. Voilà ce dont on va vous demander compte pour comprendre pourquoi le marché des « experts », des « politiquement corrects » et des « gourous » est à la hausse.
Oui, vous les économistes, les vrais. Pourquoi ne dites-vous pas tout ce que vous savez ?
Car si vous êtes économistes, vous ne pouvez tolérer l'intolérable : la faconde ignare du discours expert. Le discours qui fleurit de la bouche du dernier des Camdessus au premier des chefs économistes d'une maison de courtage. Le discours qui dit blanc lundi et noir mardi, et vert mercredi, quand les clignotants y passent. Et bleu radieux toujours, de la couleur du Marché.
Et vous, messieurs les experts, il va falloir nous expliquer ça : qui êtes-vous pour avoir le droit de vous tromper et de tromper, de mentir, d'invoquer la transparence au temps de l'argent noir et de l'opacité, de prier la confiance, de pousser des cris d'alarme, de chanter les louanges de la dérégulation un jour, de la régulation le lendemain et aussi bien le contraire ?
De quel droit pouvez-vous dire autant de bêtises au mètre carré en toute impunité ?
Voilà la vraie question : pourquoi pouvez-vous dire n'importe quoi?
Pourquoi l'Économie, Science, avec ses fastes, ses Nobel et ses pompes, est-elle la seule qui soit autorisée à raconter les plus invraisemblables fantasmagories ?
Les médecins n'ont pas la liberté de se tromper, les ingénieurs, les conducteurs de train même, qui risquent la prison, et les économistes auraient tous les droits, arroser la mafia et regretter de le faire, saigner des peuples et détruire des droits, et toujours raconter l'endroit et l'envers, et d'ajouter qu'ils n'y peuvent rien? Et resurgir, encore et encore, pour se tromper de mauvaise foi d'économiste et mentir en toute honnêteté d'expert ?
Et ricaner comme Attali, caricature d'expert, qu'un économiste est « celui qui est toujours capable d'expliquer le lendemain pourquoi la veille il disait le contraire de ce qui s'est produit aujourd'hui » ? Qu'est-ce que cette définition sinon celle du bouffon ?
On va vous demander des comptes - c'est la moindre des choses dans la science de l'utile et du quantifiable.
Et d'abord, à tout seigneur tout honneur, vous les savants, les prix Nobel, les grands professeurs, les meilleurs économistes de France ou de Midi-Pyrénées ! Vous qui savez que la théorie économique contemporaine a pulvérisé le libéralisme et n'osez pas le dire, qui savez que les mots « efficacité », « équilibre » ou « optimum » n'ont plus de sens, et qui laissez enseigner en latin une religion par des intégristes et le Ku Klux Klan rôder dans les universités.
Pourquoi toujours vous taire ? Pourquoi laisser dire ?
C'est le naufrage des prix Nobel Merton et Scholes à bord de leur Hedge Fund3 qui vous fait peur? Au contraire ! Il devrait vous libérer ! Barre pagnolisé jusqu'à la couillonnade, et Merton et Scholes en faillite, voilà qui soulage !
Et vous les gens du chiffre... Les agitateurs de crécelles statistiques, les manieurs de sommes mirobolantes, les jongleurs des taux, les illusionnistes des milliards de dollars et du chômage redéfini vingt-cinq fois en vingt ans comme en Angleterre (il a fini par décroître), les prévisionnistes qui cherchez l'avenir avec une aiguille dans la nuit et une chandelle dans la meule de foin... Les grugés du taux de croissance et les augures arborant fièrement leurs cornes...
Vous, les « chercheurs » des organismes à la botte, jamais fatigués de cirer, remontant sans cesse le rocher de leurs erreurs, pauvres Sisyphe de l'équation... Vous, les conseillers du Prince, les chief economists, les membres du Conseil d'analyse économique, les premiers couteaux pour poignarder dans le dos tout ce qui peut aller à l'encontre des puissants (on crachouille un petit rapport contre la taxe Tobin4 et on en ficelle un second, en hâte, pour justifier les fonds de pension)... Les spadassins du rapport bâclé mais qui tue... Et quand un rapport n'est pas à la botte, on ferme l'organisme de recherche (le CERC) ou on vire celui qui l'a fait (Guaino 5).
Vous n'en avez pas marre d'être les ventriloques du pouvoir? La voix de son maître ? Et vous n'en avez pas marre de laisser utiliser l'Économie (E majuscule : des gens très bien ont parlé d'économie, Marx, Keynes, mais aussi Walras) par des clowns ? Tristes en plus ?
Quand on en a fini avec les savants et les « chercheurs », quand on a compris pourquoi ils se taisent, quand on découvre, émerveillé, l'aveu d'impuissance de la vraie science économique, on peut exécuter les « experts ».
Oui, ces « experts », qui ont dénaturé l'Économie en un fonds de commerce ésotérique, rebouteux et magnétiseurs, guérisseurs, marabouts, liseurs dans le marc de café, astrologues du CAC 40, devins des bouillies économétriques et des courbes de chiffres directement sorties de l'estomac des ordinateurs, gourous, gestionnaires, analystes, chartistes... Prêtres d'une religion sans foi ni loi sauf celle de la jungle - et qui ignorent, bien entendu, la signification de la « loi de l'offre et de la demande », n'ayant jamais lu Walras ; ne parlons pas de Debreu6 -philosophes des snack-bars comme George Soros ou des salons en plastique comme Guy Sorman.
L'expert est la bête noire de ce livre.
Avec quelques autres : ceux qui causent sans pudeur dans le poste, ignorants drapés dans la « Science » et d'une nullité astronomique en direct de la Bourse, et en temps réel, s'il vous plaît ! Les aboyeurs, les sergents recruteurs de la guerre économique, les embusqués qui braillent à la flexibilité, les cumulards des jetons de présence qui veulent supprimer le SMIC, les planqués donneurs de leçons, les nantis hurlant aux privilèges, les idéologues du libéralisme, plus verrouillés que ne le furent les crânes de fer de l'idéologie marxiste, les staliniens du marché.
Quand on en a fini avec les repentis de la théorie, les apostats de l'Économie pure mathématique, les plus grands qui reconnaissent qu'ils sont dans une impasse totale, et quand on a daubé ces Merton et Scholes, Nobel 1997 ma chère ! ridiculisés dans la spéculation, apôtres niais et bouffeurs du cadavre de la théorie pure, on peut étriller sans vergogne ce Camdessus à la potion amère qui se vante, sans malice, de diriger les « meilleurs économistes du monde ». On va vous soigner, les « meilleurs »... On va vous soigner avec vos compères, les pseudo-repentis de la Banque Mondiale, faussement honteux d'avoir jeté de l'argent à tort et à travers, pavé l'Afrique d'éléphants blancs et les murs de la BERD de marbre. Et doré les dents des mafias. Et quand on en a fini avec les Diafoirus du FMI et les Patin de la Banque Mondiale, pas besoin de lever les yeux vers les bonnets pointus de l'OCDE, avec leurs clystères et leurs théorèmes du destin de la flexibilité appliqués aux autres.
Les experts dévoilés, mis à la lumière du jour comme l'Ami et ses vampires7, on sourit, on respire.
On souffle. On peut enfin se poser les vraies questions : De quoi parlent les économistes ? À quoi servent les économistes ? Qui t'a fait roi, l'économiste ?
Où est ta place ? Sur le pont ? Ou dans la soute, d'où tu n'aurais jamais dû sortir ?
À quoi sers-tu, l'économiste, quelle est ton utilité, toi l'apôtre de l'utilitarisme ?
1. Un professeur Blanchard du MIT, dans Libération, 23 novembre 1998.
2. « L'économie dévoilée », Autrement, n° 159, novembre 1995.
3. Prix Nobel d'économie 1997 avec Black. Codirigeants du fonds spéculatif Long Term Management
Capital, en faillite début octobre 1998. Voirchap. 8.
4. Le rapport Davanne, novembre 1998. La taxe Tobin veut taxer les capitaux spéculatifs.
Voir chap. 11, p. 90.
5. Commissaire au Plan remercié pour avoir démontré que 7 à 8 millions de Français étaient en situation
de précarité.
6. L. Walras (1834-1910), père de «la loi de l'offre et de la demande », à travers sa théorie de l'équilibre
général. G. Debreu (prix Nobel d'économie 1988), l'un des premiers à avoir démontré l'existence d'un équilibre général.
7. L'Ami (Accord multilatéral d'investissement) était négocié en douce par l'OCDE. L'Ami n'a pas supporté
la lumière. L'OCDE non plus.
Préface à la présente édition | 7 | ||
Prologue | 11 | ||
1. | Deux génies et un mécanicien | 19 | |
2. | Ira-t-on cracher sur la tombe ? | 27 | |
3. | De profundis | 34 | |
4. | Jouissez sans entraves ! | 37 | |
5. | Tragédie | 44 | |
6. | Quand les papes abjurent | 49 | |
7. | La danse macabre | 54 | |
8. | Merci Merton et Scholes | 63 | |
9. | Le fond monétaire international et son clown en chef | 71 | |
10. | Camdessus a des états d'âme | 78 | |
11. | Le vampire face à la glace | 86 | |
12. | Les gars du charbon | 93 | |
13. | Experts | 100 | |
14. | Penseurs | 109 | |
15. | Economistes et journalistes | 114 | |
16. | Economistes et politiques | 124 | |
17. | Et Dieu dans tout ça ? | 130 | |
18. | Qu'avez-vous fait de la maison ? | 136 | |
A quoi servent les économistes ? | 141 |
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